Le bon sens prévaut : non-responsabilité des créanciers garantis aux termes de la fiducie présumée pour la TPS/TVH après la faillite

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Mondial Publication Novembre 2018

Le 8 novembre 2018, la Cour suprême du Canada a rendu une décision concernant l’article 222 de la Loi sur la taxe d’accise (LTA) et plus particulièrement la question à savoir si la Couronne dispose d’un droit personnel d’action en vertu des dispositions en matière de fiducie présumée de la LTA contre le créancier garanti d’un débiteur fiscal qui reçoit des paiements de la part du débiteur fiscal avant une faillite.

À la suite d’un différend prolongé devant les tribunaux inférieurs et de décisions contradictoires de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale à ce sujet, la Cour suprême a tranché qu’aucun droit d’action de cette nature n’existe. Cette question a des incidences potentiellement de grande portée sur les créanciers garantis de débiteurs fiscaux qui sont insolvables ou presque.


Dispositions législatives pertinentes

L’article 222 de la LTA crée une fiducie présumée pour tous les montants au titre de la TPS et de la TVH perçus mais non remis et prévoit qu’une telle fiducie présumée s’étend aux « biens détenus par [l]es créanciers garantis qui, en l’absence du droit en garantie, seraient ceux » du débiteur. Cependant, la LTA prévoit également expressément que cette fiducie présumée ne s’applique pas à compter du moment de la faillite du débiteur fiscal.

L’extinction de la fiducie présumée prévue par la LTA au moment de la faillite est conforme au paragraphe 67(2) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI), qui prévoit qu’à l’exception des fiducies valables en common law et des fiducies présumées créées en vertu des paragraphes 227(4) ou (4.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (se rapportant aux retenues à la source), les fiducies présumées d’origine législative ne survivent pas à la faillite.

Canada c Callidus Capital Corporation1

La décision Canada c Callidus Capital Corporation portait sur une entente d’atermoiement et de « restructuration douce » entre Callidus Capital Corporation et Cheese Factory Road Holdings Inc. En 2011, Callidus et Cheese Factory ont conclu des dispositions en matière d’atermoiement qui comprenaient l’octroi d’une sûreté additionnelle et une convention visant le dépôt de certains reçus tirés des activités dans un compte bloqué dont le solde était régulièrement prélevé par Callidus et porté en réduction de la dette impayée de Cheese Factory.

Par la suite, Cheese Factory, à la demande de Callidus, a fait une cession volontaire dans le cadre d’une faillite.

L’Agence du revenu du Canada (ARC) a intenté un recours, faisant valoir un droit personnel d’action contre Callidus pour la réception de fonds assujettis à une fiducie présumée. Callidus estimait que la faillite de Cheese Factory avait donné lieu à l’extinction de la fiducie présumée, ainsi qu’à tout droit personnel d’action invocable par la Couronne contre le créancier garanti de Cheese Factory. En première instance, la Cour fédérale avait tranché en faveur de Callidus.

La majorité de la Cour d’appel, dans une décision partagée, a tranché en faveur de la Couronne sur le fondement qu’une obligation de remettre les produits ou les biens assujettis à la fiducie présumée naissait au moment où les fonds étaient reçus, et survivait ainsi à la faillite du débiteur fiscal. Le juge Pelletier a exprimé sa dissidence en termes non équivoques, affirmant que la responsabilité d’un créancier garanti quant à la réception de fonds détenus en fiducie dépendait de l’existence continue de la fiducie, et a souligné que les paragraphes 67(2) et (3) de la LFI prévoient qu’une fiducie présumée à l’égard de retenues à la source impayées survit à la faillite d’un débiteur fiscal et (implicitement) qu’une fiducie présumée pour la TPS et la TVH non remises n’y survit pas.

Le 8 novembre, dans des motifs prononcés oralement sur le banc, la Cour suprême du Canada a adopté à l’unanimité les motifs de la dissidence exprimée par le juge Pelletier et, de ce fait, a statué définitivement sur la question de savoir si le droit personnel d’action de la Couronne contre le créancier garanti d’un débiteur fiscal était éteint par la faillite ultérieure du débiteur fiscal. La Cour suprême s’est expressément abstenue de se prononcer sur la portée ou le caractère exécutoire de la fiducie présumée prévue par l’article 222 LTA avant la faillite.

Incidences

La décision de la Cour d’appel fédérale a occasionné de l’incertitude et des préoccupations considérables chez les prêteurs garantis qui désiraient travailler avec des débiteurs en difficulté en dehors du cadre de la faillite au moyen d’accords d’atermoiement ou d’outils de « restructuration douce » similaires. En fait, la Cour d’appel aurait exigé que le paiement des montants au titre de la TPS et de la TVH impayés d’un débiteur fiscal soient assumés par ses créanciers garantis, malgré qu’en pratique, les montants réels de ces arrérages peuvent être difficiles à calculer, même pour l’ARC, et nécessitent souvent une vérification.

En outre, la décision de la Cour d’appel aurait créé pour un créancier garanti un fort élément dissuasif de travailler avec un emprunteur en difficulté en dehors du cadre de la faille pour résoudre ses problèmes financiers. Un fournisseur de prêts adossés à des actifs ou un autre créancier garanti aurait été bien avisé d’adopter la pratique consistant à obliger tous les débiteurs insolvables à faire faillite avant d’accepter des produits de reçus ou de la vente d’actifs, en l’absence de certitude qu’aucune somme n’est due à l’ARC à l’égard de la TPS ou de la TVH non remise.

Par conséquent, la décision de la Cour suprême est une bonne nouvelle pour les prêteurs garantis au Canada, qui peuvent être rassurés qu’après une faillite, du moins, ils ne seront pas tenus de s’acquitter envers l’ARC des obligations non remises des emprunteurs au titre de la TPS ou de la TVH.

La question du caractère exécutoire de la fiducie présumée prévue par la LTA en dehors du cadre de la faillite a été mise de côté pour une prochaine fois.

Note

1 Canada c Callidus Capital Corporation, 2015 CF 977 (révisée) 2017 CAF 162, juge Pelletier dissident.



Personnes-ressources

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Associé directeur, bureau de Vancouver

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